
Ariane DREYFUS

Ariane Dreyfus, née en 1958, vit en région parisienne. Ancienne élève de l’École Normale Supérieure de Fontenay-aux-Roses et agrégée de lettres modernes, elle a enseigné en lycée. Elle anime aussi des ateliers d’écriture.
Seul en plein champ,
Le pommier lance son geste compliqué
Elle rattache ses cheveux et n’avance plus
Malgré les nuages mais ils sont beaux à voir
Et puis c’est l’été
Violoncelle incliné dans le grand creux du corps
Les coudes y vont, le menton
L’archet qui touche trouve mieux que la peau
Il caresse des entrailles sous le ciel
Et si un nuage passe ?
Un pull est posé sur le fauteuil en osier
Elle l’a mis pour aller dans le jardin du bas
En laine épaisse, elle l’a posé, le soir est doux
Maintenant
Oui quelque chose reste dans les yeux
Parfois on n’y songe pas avant de se dévêtir
UN SOIR D’ÉTÉ
Le temps d’ouvrir, de refermer la porte de l’armoire
Une fine brûlure me passe entre les cuisses, et s’en va
C’est vrai,
On aurait pu
De tout son poids
Transpirant de me tenir
Une femme aurait pu m’écarter les jambes
Chercher à m’écarter les jambes
Même si les cris ne sortent pas de là
Tout ce que le couteau prend hurle
___
___
___
Les jambes tenues, une petite fille gémit encore
Le récipient se repose
Deux mains appuient sur sa tête
C’est le moment d’enfoncer
Des épines et de coudre
Alors le gémissement sort de plus bas
Toujours de plus bas
Femme titube tout au long de sa vie
Voilà comment la crainte devient une plante féminine
Et comment
J’ouvre encore l’armoire
Pas pour regarder dedans
Mais pour ne plus bouger
Ou bouger
Puisque c’est comme je veux,
Même nue, c’est comme je veux
SUR L’OREILLER
Ne la voulant pas si près, ni qu’elle se blesse,
Je fais glisser une feuille sous ses pattes
Et vite, fenêtre ouverte,
Je lance l’araignée
Plutôt que mon visage, qu’elle aille saisir l’herbe
S’y accrochant, grimpant vite :
Il faut agir avant de s’étoiler
Et moi, si je ferme les yeux, si j’attends vraiment
Une main me versera-t-elle dans la prairie des endormis ?
J’ouvrirais mes mains et ma bouche bien mieux qu’en le voulant
Tant de petites blessures qui n’empêchent pas de vivre
Circuleraient toutes seules
Loin je n’en sais rien
Elles iraient