
Emmanuel MERLE

Emmanuel Merle est né à La Mure en Isère en 1958.
Il vit à Grenoble où il est professeur de Littérature en Classes Préparatoires.
Il publie à 44 ans son premier recueil de nouvelles Redwood (Gallimard, 2004). Ses influences sont à chercher outre-Atlantique chez Jim Harrison, Richard Hugo et Richard Brautigan, et en France chez Yves Bonnefoy. Amère indienne, récompensé par le prix Roger Kowalski, oscille entre carnet de voyage et quête intérieure. Un homme à la mer (prix Rhône-Alpes du livre 2008) évoque la figure paternelle, les soubresauts de l'âme et le rapport à la nature sauvage des paysages canadiens.
Il est Président de l'Espace Pandora de Vénissieux et est traducteur à partir de l'anglais des USA de la poésie de Jennifer Barber et de celle de David Ferry.
Son site Internet : https://emmanuel-merle.com/
D’où viennent ces roches autour de moi,
surgies de l’herbe, tombées du ciel ?
La voûte s’est brisée.
T’abattant,
tu as abandonné ton être
à la gravité de la terre.
Tu es devenu la statue maigre
que Giacometti détruisait :
le fil de la vie se rompait soudain
dans ses mains.
Schiste friable, poussière d’enfance,
j’attendais, plus que tout, que tu brilles.
Assis sur les talons, le désert devant moi
sur ce chemin de midi, je cueillais
la lumière patiemment. La pierre
promettait, et décevait.
Je recommençais.
I L S ATTENDENT CE Q U I
ne viendra pas, ce qui est
au-delà d’eux, la très ancienne grande marée,
qui vide la mer une fois tous les millions d’années,
qu’on appelle l’enfance, ce crépuscule du matin.
L’étrange lumière rouge du soir couchant
ruisselle sur leur peau, un chant carmin
de plaintes qui coule sur leurs joues.
Les bras, les branches
Il voulait toujours habiter l’arbre.
Quand il atteignait l’embranchement,
le vertige le saisissait, même
à deux mètres du sol.
L’enfant dans un arbre, une divinité
simple, d’avant le monde, l’accord parfait.
Mais pas lui.
Refusée cette liberté
du geste : bras et branches, presque
frères et sœurs en paroles.
N’empêche, l’enfant dans l’arbre,
comme l’enfant-loup, hirsute,
heureux, héroïque sans mission
que de vivre.
Refusée cette joie,
sauf quelquefois, dans les mots,
quand le vent premier les agite.
L’oreille interne écoute palpiter leur sève.