
Florence PAZZOTTU

Florence Pazzottu a publié une quinzaine de livres chez différents éditeurs (LansKine, Commune, Flammarion, Al Dante /Presses du Réel, Seuil, L’Amourier, Cadastre8zéro…), a contribué et contribue à la vie de quelques revues, et réalise des films régulièrement sélectionnés en festivals.
Certains de ses textes ont été mis en scène (notamment La Tête de L’Homme par François Rodinson au CDN de Nancy, avec l’actrice Marion Bottollier). Elle lit, performe ou scénographie ses propres textes (seule ou en collaboration avec l’artiste multimedia Giney Ayme ou les metteures en scène Aurélie Leroux et Marie-Christine Soma), et depuis 2017, elle écrit aussi parfois pour Rachel Dufour et la compagnie Les Guêpes rouges de Clermont-Ferrand.
Ses deux derniers livres, Le joueur de flûte – avec des encres de Hugues Breton – et J’aime le mot homme et sa distance (cadrage-débordement), ont paru aux éditions LansKine en 2022 et 2020, et ses deux derniers films, continûment occupé des choses de l’amour (30’) et Un faux roman sur la vie d’Arthur Rimbaud (60’), ont fait partie de la sélection du FID (festival international de cinéma) Marseille en 2022 et 2021, dans la section « Autres joyaux ». Un faux roman sur la vie d’Arthur Rimbaud, d’après le texte éponyme du poète américain Jack Spicer dans la traduction d’éric Suchère, a également été déclaré « meilleur film expérimental » en septembre 2021 par le Blackboard international film festival, en Inde.
Elle vit à Marseille.
Son travail vidéographique est produit par Altra Voce à Marseille, et certains de ses films-poèmes sont visibles en ligne sur le site www.altravoce-Marseille.com.
(Petite 7)
Petite, parfois je ne savais plus rire : j’usais, anxieuse, mon rire
entier en un éclat et j’ignorais la légèreté de qui n’a nul besoin pour
se réjouir de faire partie du jeu.
(Petite 9)
Petite, j’avais une tendresse particulière pour tout ce qui est petit
sur la terre ; j’étais la mère des thomises, la sœur des cousins, la
cousine des fleurs ; je n’en étais pas moins l’égale des grands ; la
vie avait pour moi de grands projets.
(Petite 13)
Petite, j’aimais m’asseoir au bord de l’eau : parfois, je regardais
la mer ; parfois, seule la mer était là.
(Petite 22)
Dans ma main, petite, le monde tenait tout entier ; la chair d’un
abricot, je participais à la sève des choses ; il n’y avait que des
premières fois : la première amande fraîche, la première cerise
goûtée sur l’arbre ; une fram-boise, c’est l’éclat fragile déjà sombre
de l’été qui roule et s’effrite entre nos doigts ; il n’y avait que des
premières fois ; le monde est une piste de danse ; un croche-patte
–et nous étions les étrangers pour toujours, les détraqués, les
solitaires.
rire
rire
c’est
irréductible
réel
qu’un trop-plein
expulse
- et réserve
alors
est un rire d’or
chaudron
en même temps que pépite
qui délivre – et éclaire
par explosion
de corps obscur
((ce piège d’homme))
éveillant l’ailleurs
qu’est l’ici même
décollement de rives
s’y fomente le rien
qui fonde
Chevauchée
(avec ou sans capture)
rien
ce n’est pas rien
c’est toujours
quelque chose
quelque part
quelque temps
le vide
est le substrat multivers
du présent univers
ce que prouve
l’explosion
des étoiles lointaines
Mais les Rroms Manouches Tziganes
– qui ne sont pas tous d’exotiques
nomades étrangers venus d’une Inde
mythique –, mais les Manouches Rroms
Tsiganes – qui n’ont pour point commun
que le regard malade qu’une Europe
malade, dissociée, porte sur eux –,
mais les Tziganes Rroms Manouches ne sont pas
à intégrer ils sont des parties du corps
de l’Europe que soudain elle rejette
ne veut plus reconnaître les ayant transformés
au xxe siècle par statut d’exception
en errants apatrides. Dix mille
en Bosnie-Herzégovine, mille cinq-cents
au Monténégro, dix-sept mille
en Serbie… Et combien dans nos centres
de rétention français, enfermés
jusqu’à ce qu’un pays ou un autre
où ils n’ont parfois jamais posé
le pied déclare les reconnaître ?