Jacques LACARRIERE
Jacques Lacarrière, (1925-2005), a grandi dans un jardin du Val de Loire dans les branches d’un tilleul qui fut son premier maître. C’est à son ombre qu’il écrivit ses premiers poèmes dès l’âge de six ans, avant de rejoindre, quinze ans plus tard, le groupe surréaliste à Paris et de s’adonner quelques temps à l’écriture automatique. Après quoi, il quittera la France pour la Grèce où il résidera une quinzaine d’années et où il traduira de nombreux poètes grecs contemporains. De retour en France en 1967, à la suite du coup d’État fasciste des colonels, il s’installera dans un village de Bourgogne où il vit toujours, entouré de mésanges et d’effraies.
Sa nature et ses convictions libertaires le menèrent à fréquenter très tôt les êtres et les esprits rebelles. D’où sa rencontre avec la poésie de Paul Valet et cet essai, à la fois manifeste et éloge d’une œuvre et d’un homme insoumis.
En écho à cette œuvre, l’auteur propose, parmi ses titres personnels : Les Gnostiques (Spiritualités vivantes, Albin Michel), Sourates (Espaces libres, Albin Michel, ), Marie d’Égypte (Jean-Claude Lattès), La Poussière du monde et Un jardin pour mémoire (NIL éditions).
Qu'yeux par la nuit d'en bas précipités, bêtes
dans la lumière parnes, Et que toute bonté...
Uniquement - ou si peu, pail roussâtre par devant entre les fils
agate bleuissant, appelant - silence qu'une colère ancienne blessa
en des ans de peaux rêches, boue terre séchée ou montent
hargneux petits bonshommes durs a 1'épieu. Mais que vienne
à marquer le naif du monde la lumière tressautant dans 1'aval des lointains, bêtes alors revenues front et sabot, l'os
contre l'hivernale : nuit de toujours
qu'active la joie crue. Et que s'enlève, toute beauté
fondue dans le tréfonds de glaise d'une terre hardie
et tonifiée, la gloire ci-devant. Qu'yeux
la prunelle vive, proches bêtes le sang taurin à nos portes
meuglant, de toujours là sur la terre semblable, inférieures à peine. Et que tâchent
de venir vers nous, défaite pivoine : mufle bas troupeaux
en la chiche lumière. Une voix qui appelle-appelle. Toute alarme !
extrait de Bouchères, obsidiane, 2003