Jean L ANSELME
Ami de Dubuffet et de Chaissac et ancien international de Handball, L’Anselme, poète atypique, écrit une poésie «naïve» (bien que très souvent «par derrière») forte de ready made, de calembours, en prose ou en vers. Dans la tradition des grands humoristes Allais, Dac, Blanche, parfois proche de Prévert car « engagé » en faveur des petites gens contre les « gros », les cuistres. Milite contre la poésie intellectualiste jusqu’à revendiquer les poèmes cons (cf son dernier livre Le ris de veau, éditions Rougerie). Très lu en milieu scolaire.
A obtenu il y a très longtemps le très sérieux Prix Apollinaire (sa verve Prévert), dont il a été membre du jury.
Il est décédé le 30 décembre 2011, la veille de son 92e anniversaire.
HOMMAGE DE JEAN-PIERRE SIMEON A JEAN L'ANSELME
« Cher Jean-Pierre, si tout le monde prenait sa douche sous une chasse d’eau, il y aurait moins de merdeux sur terre… » .
Ainsi Jean L’Anselme me dédicaçait-il ses « Poèmes cons », il y a quelques années. Poétiquement incorrect, L’Anselme qui vient de mourir à la veille de son 92ème anniversaire. Lui qui disait que : « L’humour est enfant de poème qui n’a jamais connu de lois » avait pourtant commencé son oeuvre très sérieusement dans l’immédiate après-guerre avec une poésie militante et engagée dans une veine proche de Prévert (À la peine de vie, Le tambour de ville prix Apollinaire 1948 décerné par un jury qui comprenait Georges Duhamel, Francis Carco, André Billy et Joe Bousquet, entre autres). Etre à la fois militant communiste et fonctionnaire au Ministère des Affaires Etrangères (il fera beaucoup sa vie durant pour promouvoir la poésie française à l’étranger), ce n’était pas une sinécure pendant cette période d’après-guerre : mise sur écoute et brimades, racontait-il, étaient monnaie courante. Si par la suite, L’Anselme abandonna le ton et la forme de la poésie sociale et engagée, il est resté fidèle, jusqu’au dernier jour, à son engagement moral et intellectuel contre tous les pouvoirs et en faveur des démunis et opprimés de toutes sortes. Quand, dans les années 60, son ouvre prit le tournant que l’on sait, qui en fait aujourd’hui un auteur majeur de la veine satirique et comique de la poésie française, il l’a fait sans déroger à sa volonté de combattre en utilisant l’humour comme une arme de dérision massive. Revendiquant notamment la gaucherie, la naïveté, l’incorrection, l’insolence joyeuse face aux complaisances narcissiques de l’intelligentsia (voir par exemple ses « Poèmes écrits de la main gauche »), il n’était pas pour rien l’ami de Dubuffet et de Gaston Chaissac avec lesquels il a au reste entretenu une abondante correspondance. Son « art poétique » dit tout : « Vingt fois sur le métier / dépolissez l’ouvrage, / un vers trop poli / ne peut pas être au net. / Méfiez-vous des vers luisants ». Cette amitié avec Dubuffet lui a ouvert les chemins d’une sorte de poésie brute qui sollicite le ready made poétique à la Duchamp, autant que les citations détournées, le cut-up, l’aphorisme burlesque et le calembour dont il était un maître assuré. Dans les temps délétères que nous vivons, il y a tout à gagner à lire et relire les livres de L’Anselme pour partager son impertinence jubilante, nous venger grâce à son rire indocile et insoumis de toutes les bassesses et impostures qui nous accablent : « Je crois qu’en poésie, il vaut mieux péter des flammes que de chier des Louis d’or ».
Jean-Pierre Siméon
Art Poétique
Vingt fois sur le métier
dépolissez l'ouvrage,
un vers trop poli
ne peut pas être...au net.
Méfiez-vous des vers luisants !
Faites du vers dépoli
votre vers cathédrale.
un poème au pied bot
ne peut être que bancal.