Joël BASTARD
Joël Bastard est né en 1955 à Versailles. Poète, romancier et auteur dramatique, il réalise aussi de nombreux livres d'artiste avec Patrick Devreux, Joël Leick, Evelyn Gerbaud, Tony Soulié, Ricardo Mosner, Jean-Luc Parant, Georges Badin, Koschmider, Michel Julliard, Alexandre Hollan, Marie L., Patricia Erbelding, Jean Anguera, Christian Jaccard, Jephan de Villiers, Claude Viallat, Mylène Besson, CharlElie Couture, Edward Baran, Umberto Poblete-Bustamante... Il collabore avec des musiciens comme Érik Truffaz, Malcolm Braff, Christine Python…Il écrit depuis l’adolescence et après avoir exercé parallèlement de nombreux métiers comme facteur, quincaillier, peintre en bâtiment, camionneur, manœuvre, galeriste, ouvrier bijoutier… en 2000, il décide de se consacrer à plein temps à l’écriture. Il participe régulièrement à des lectures publiques en France et à l’étranger et anime aussi des ateliers d’écriture : poésie et théâtre. Quand il ne voyage pas, il vit dans une ferme isolée des Monts Jura.
Retrouvez l’auteur sur le site : http://joelbastard.blogspot.com/
Je quitte cette page comme je quitte la vie. Avec un fruit dans la bouche. Le jus qui coule dans ma gorge est pour le très ancien couloir du monde. Un orchestre joue une danse fuyante dans l'onde. Comme je quitte la vie les bras dans ta chair.Le sourire que tu me laisses ajoute une truite dans la langue rivuère.
Tu aurais préféré que je sois près de toi pour que je te dise tu me manques. Loin de toi je ne tiens pas debout. C'est près de toi que je me couche et deviens seul, dans la coque griffée de phrases tournoyantes.
Un soui-manga s'affaire dans la fleur profonde. Son bec tout au pollen et ses yeux dans le voile collant pâle.
Un varan mécanique traverse la mangueraie. La clef brûlante attachée dans son dos est dans la main d'un vieillard. Qui, dans l'oubli d'une femme, de son autre main compte les dents gâtées tombées de son éclat de rire.
Vers Clairvaux-les-Lacs, de retour en ville, une vieille dame sur le trottoir, une goutte étincelante au bout du nez. Un instant j'ai cru que c'était un genévrier échappé de sa campagne qui attendait que le feu passe au rouge pour traverser la rue.
Je marche dans ce que j'écris.
Sortez le poète des ruines. Prenez ses yeux, prenez sa bouche. Retenez-le, il se noie encore et encore dans la marée bruyante des pierres. Dans la cadence intime des allusions inouïes. Enfoncez vos doigts dans ses poumons lourds de trop d'archives. Décollez les images démolies et pesantes, ni secours ni envolées, de ses respirations chroniques. Donnez-lui une chance de revenir chanter la beauté muette du jour.