
Mary-Laure ZOSS

Née en 1955 à Vaulion (Suisse). Vit entre Lausanne et le Valais. Jusqu’en 2015 enseigne le français dans un gymnase (établissement d’enseignement secondaire du deuxième cycle). Se consacre essentiellement depuis à l’écriture.
Elle a publié Le Noir du ciel, aux éditions Empreintes (Prix de poésie C.-F. Ramuz 2006 et prix de la Fondation L-A Finances pour la poésie 2008). À Cheyne, elle a publié Entre chien et loup jetés (Prix des Charmettes/Jean-Jacques Rousseau 2008), Où va se terrer la lumière (2010), Une syllabe, battant de bois (2012), et Au soleil, haine rouée (2014). Elle a également fait paraître un livre d’artiste, Route, aux éditions du frau (2012).
Ceux-là qu’on maudit est paru aux éditions Fario en novembre 2016
Bêtes noires est à paraître aux éditions du Frau.
A collaboré à l’ouvrage du photographe Emmanuel Gavillet, Gastlosen, Edition Pourquoi-pas ?, paru à Marly (Fribourg) en mars 2010.
Elle publie également en revue : N47, revue Bacchanales No 53, revue Viceversa, revue Conférence, revue des Belles-Lettres, Fario…
à la trépidation qui cloue contre les mots,
aucune force ne pourrait opposer résistance, nul
esprit se ramener à lui-même, tandis que l’archet de
fer n’érafle pas même le bord osseux du temps : si
peu pour accueillir sur les emblavures agrafées aux
busards, on y revient encore, qu’on nous prête un
linge pour absorber cette sueur froide aux pierres ;
tenterait-on de poser un pied en soi, qu’on ne
trouverait que ces friches de novembre, ces verbes
fissurés, une volonté qui s’enferre sous une
inhumaine mesure, et vous, comme une poignée
d’étoiles grises roulées dans un pli de la page, vous
taisant encore, […].
pars, érafle de tes jours le dedans, tes jours à mesure sous tes gestes déboîtés ;
ton visage de plusieurs feuillets : tu n’en connais plus aucun, tu empaquettes
l’ordinaire ; dans un no man’s land faire mine d’être là, sur un filet de souffle
déjà rétracté ; agrégé dans sa propre farine – ne la tourne plus dans celle du
monde, quelque chose te réfrène vers l’intérieur, toi si singulier soudain –
l’intérieur, s’il en est encore un ; plie bagages ; s’infliger telles désertions, dites,
qui le voudrait ?
qu’est-ce qui jettera sur nos épaules un pli de
laine, nous sauvant du désastre ? la mère aux
derniers jours laisse tomber une pensée en miettes
entre les meubles, la lampe reste introuvable au
sortir de la nuit, maintenant il faut s’appliquer à
mieux tasser le temps sous les semelles, qu’on
évite l’enfilade des faux-pas dans la parole de plus
en plus trouble, sachant pousser plus souvent la
porte à deux battants, laisser ce qui gît sur le bas-
côté de la phrase, on retourne par saccades aux
limites de la neige dans le ciel, les rochers bleus
dressent leurs tables pour les nuages, on cesse de
se précipiter sur tous les fronts, l’angoisse se
détache presque dans l’eau d’une après-midi
d’avril, le long d’un quai.
on appelle, qu’on nous dise comment on dort le jour
sous l’œil terne des clenches ; dans la pièce des
marionnettes, le regard transperce porte et tulle du
rideau, partout la poussière cuisine sur ses plaques
grises, le soleil taille dans le plancher, qui nous
entend ?
par les couloirs de l’hospice, les murs repeints, dans
le passage des tabliers et des soupières, on hurle
sans un mot, la trachée noyée de salive et de lait
bouilli, on appelle, où est l’herbe d’hiver, où les
taillis secs et le sel des routes ? dites-nous comment
dormir la nuit, une angoisse avachie sur les boyaux,
et à la main, le petit ours de plastique rouge,
translucide éclairant les draps ; ici crachés les
sarcasmes en boulettes dans le tablier des bonnes,
par où sortir ?
aux vieux enfants, tricots d’os dans la remorque, pêle-mêle ciseaux, boules de
bois, leurs outils; dans peu crânes contre crânes à pelleter; à ceux qui s’égarent au
pied des grilles, ou de l’épaule s’assurent aux racines - si pour maintenant,
demain ou quand ne savent, et vont en biais sous les troncs de haut fût
comptant leurs pas ;
nous précèdent et tiennent bon, aux basques d’humides forêts pendus,
épluchant la pénombre ; demain ou quand débusqueront de sous les
fougères gueules, boutoirs, n’en savent rien, n’ont d’autre parti qu’en frémir, le
temps est proche (…)
d’ici partant, nous autres, de la lune, devant, qu’on cercle d’un fer, on aplanit sa
tôle froide, ça ne bougera plus; des cônes de gel hors du toit pendent et brillent ;
avant qu’on nous dégîte, viennent les souffles nocturnes dans la pente de tuiles
fourbir les cuivres éteints ; sur le papier la haine bousille ses mines, voyons
quand ;
des fenêtres se tenir à distance, des balles perdues entre les portes, mais pas dans
le noir, on s’exerce à rester cois, pour champ d’asile un carré de briques (…)