NIMROD
Né en 1959 au Tchad, Nimrod est poète, romancier, essayiste et animateur de revue (Aleph, beth, de 1997 à 2000, et Agotem, 2003 à 2005) et éditeur (Le Manteau & la Lyre). Il est philosophe de formation. Il a animé quelque temps une chronique de critique littéraire sur le site Web d’Africultures intitulée « Phase critique ».
Nimrod a reçu entre autres le Prix de la Vocation (1989 pour Pierre, Poussière), le Prix Louis Labé (1999 pour Passage à l’infini), la Bourse Thyde Monnier de la Société des Gens de Lettres (2001 pour Les jambes d’Alice). Au printemps 2008, Le bal des princes (roman) et La nouvelle chose française (essai) ont reçu les Prix Benjamin Fondane, Édouard Glissant et Ahmadou Kourouma.
Nimrod a reçu le Prix Max Jacob en 2011 pour Babel, Babylone (poèmes, Obsidiane).
Il a enseigné en qualité de professeur visiteur à l’université du Michigan (Ann Arbor) à l’automne 2006. En septembre 2008, il a été invité de nouveau à l’université du Michigan pour une résidence d’écriture de six mois.
Le magazine Le Matricule des anges (n° 91, mars 2008) et la revue de poésie Autre Sud (n° 40, mars 2008) lui ont consacré respectivement un dossier.
Il vient de coordonner un dossier de la revue L’Étrangère n° 33/34 consacrée à la poésie africaine (2014) et un ouvrage collectif aux éditions Créaphis, coll. « Foto », intitulé N’Djaména, Tchad (2015).
Une régalade
La furie de la journée, toujours, nous rassemble
Autour d'un ultime brasier, car il ferait
Trop froid autrement. De la canicule,
Nous ne tenons pas à être les martyrs, mais il faut,
Quand le soir nous apaise, quand il fait craquer
Nos os, qu'un bleu de méthylène, qu'une flamme
Violette nous arriment à l'espace : la brûlure
Nous rend dignes du transport amoureux.
Crépuscule
Alphabet solaire, radiants du vertige, une peur
Presque religieuse gouverne ton territoire.
Pour nous, il n'est de ferveur plus haute,
Et la pureté du cœur affranchit le soleil !
Les murs (extrait)Qui me redonnera l'odeur de la maison d'enfance
Ses murs maculés de mes pêintures naïves
Cette feinte fraîcheur cette réelle présence
Qaund la pénombre devient une amie de haut lignage
J'inhale une forme d'angoisse sans lendemain
Dieu est mon orgueil je ne manquerai de rien
Toutes les peines du cœur ne valent pas
La douleur d'avoir à composer avec le soleil
L'espérance l'usure la pensée – quelle barbarie faite
Aux murs quel danger gravé sur leur partition
J'inhale une odeur de bonheur sans raison
Babel, Babylone (extrait)Au loin le remugle des cochons. Comme ces derniers,
Nous ne dormons jamais que sur des litières de paille.
Nous reniflons le pays. Le vendeur d'eau à la criée
Viendra déverser sur nous une douche bienfaisante
Vendeur d'ondes, vendeur de paille; pourvoyeurs d'infini,
Tous hommes de peine, tous magiciens du jouïr...
À UNE PASSANTE
Novembre. Les dieux, entre les branches,
Se délestent de leurs couronnes et notre tête
Les reçoit. Nous avons reçu l’hommage
Royal ; en retour, nous leur devons des éloges.
La ferveur du vent ennoblit l’instant
Qui craque sous nos pieds, qui froisse
Le manteau et sa doublure, qui associe
Fenêtres et belvédères à la féerie du soir.
La ville capitale déploie à nos pieds
L’océan, les mouettes, les embruns.