Seyhmus DAGTEKIN
Naître ici, vivre là, grandir dans une langue, écrire dans une autre : le chemin du poète et romancier Seyhmus Dagtekin est une suite de passages, depuis sa naissance, en 1965, dans un village kurde du sud-est de la Turquie, jusqu'à sa vie actuelle d'écrivain parisien. Un itinéraire d'artiste toujours méfiant à l'égard des destins figés, des identités assignées. "Personne n'est défini une fois pour toutes par des limites de langue, de territoire ou d'appartenance. Chacun est en devenir. Chacun peut exister dans une langue autre que celle de son origine."
En 1987, Seyhmus rejoint son frère aîné parti travailler en France comme ouvrier dans l'industrie lorraine, pour compléter ses études universitaires. Il "naît au français", selon l'expression qu'il aime utiliser.
Seyhmus Dagtekin n'a jamais écrit dans sa langue maternelle, interdite à l'oral comme à l'écrit. Les romanciers kurdes les plus connus, comme Yacher Kemal, écrivent en turc. L'adolescent suit ce chemin, pour ses premiers textes. Quatre ans à peine après son arrivée en France, il commence à écrire en français.
D'entrée, il choisit la poésie, sans doute la porte d'accès la plus difficile pour un étranger : elle exige, plus encore que la rédaction d'un essai ou d'un livre document, une appropriation de la langue, un travail d'émancipation.
Aujourd'hui, l'écrivain est ancré dans la vie littéraire française et va demander sa naturalisation française, bien que l'idée de frontières lui reste étrangère. "Quand je suis arrivé en France, je déchiffrais Les Fleurs du mal, à l'aide du Petit Larousse. Je ne suis pas venu avec mes limites. Je suis venu comme un territoire ouvert."
Quand tu te chasses du bruit
Tu ne découvres pas pour autant le silence
Quand tu te coupes les branches
Tu n’augmentes pas pour autant
La sève qui irrigue ton front
Extrait de Au fond de ma barque