
Valérie ROUZEAU

Valérie Rouzeau est née le 22 août 1967 en Bourgogne.
Elle vit à Nevers. Lit de presque tout ; écrit, traduit, surtout de la poésie, notamment Sylvia Plath, Ted Hughes, William Carlos Williams, Stephen Romer, Pascale Petit.
Ses livres Pas revoir, publié au dé bleu en 1999 et Va où au Temps Qu’il Fait en 2002 ont été réédités en poche dans la collection « la petite vermillon » de La Table Ronde respectivement en 2010 et 2015.
Son recueil Vrouz (la Table Ronde, 2012) a obtenu le prix Guillaume Apollinaire. Son recueil, intitulé Télescopages, a été coédité par le Musée des Confluences de Lyon et les éditions Invenit de Tourcoing (2014).
Elle est traduite en anglais, en allemand, en espagnol (Argentine), en slovène, en norvégien…
Sens averse, a été publié en mars 2018 aux éditions de la Table Ronde et a obtenu le prix Méditerranée 2019. Son dernier recueil, Éphéméride, recueil de miscellanées, paraît en mars 2020 aux mêmes éditions chevalières.
Pincez bien les groseilles et puis écoutez-les
Vingt-et-deux décibels de calme rondement
Mené dans le boucan à la baguette des sourds
Rincez mieux vos oreilles elles aimeront la scie
Qui se moque du mauvais bois des mortes langues
On en perd nos abeilles avec notre latin
Fruits rouges de rêve dans un vrai bol de chance
Et puisse la veine nous tenir la grappe
En l'époque moche j'émets des vœux légers
Des sons furtifs au milieu du vacarme
Et glissent la peine le patin artistique
Tel un baiser roulé heureux de s'être fait
Avoir par gourmandise et sans paroles.
La poésie est une monnaie en quelque sorte
Quelle idée drôle d'idée
La poésie de la monnaie
Une espèce de façon de fric
Quelle valeur d'échange par exemple
Celle d'un troc : un pain contre un sonnet
Une ode contre un repas complet
Cela me plaît bien cette idée
Laquelle est gratuite presque en l'air
Gros billets petites pièces voici
Mon limerick mon épopée
Voici mon haïku ma page blanche
Quant à mes larmes c'est du liquide
Du cash-cash rien que pour tes yeux
Trouve-moi si tu peux.
poème glané 2
Plein de confiance en mon cœur et dans les dictionnaires
Je persiste à narrer mes petites affaires
L'amour a mis en pièces toutes mes théories
Depuis le champignon jusqu'au paradis bleu
Je suis ce que tu crois et suis tout le contraire
Un vaste et pauvre type d'un pessimisme heureux
C'est-le-son-d'une-clochette-qui-traverse-le-mur
Pendant qu'à l'héliotrope Melpomène se parfume
C'est la fleur dont l'odeur triomphe du temps
Qui viendrait une nuit dévorer mes oreilles...
/
Enfin devant la beauté pure et dure du monde
Je m'envisage tête nue au clair de lune
Au grand soleil sans confession tout est donné
Les étoiles continuent comme si elles nous aimaient
Peut-être que les astres se moquent éperdument
De nos affaires humaines nos amours et nos guerres
Nos joies et nos terreurs nos oiseaux disparus
Nos abeilles qui meurent ne trouvent plus les fleurs
Qu'allons-nous devenir avant que tout s'achève
Il va falloir chanter à la barbe de l'horreur
Il va falloir danser sous petite et grande ourses
Grand et petit chariots bien mieux que les autos
Comme de bonnes casseroles et de bonne volonté.
Passent les nimbostratus les altocumulus
Au-dessus de ma tête occupée
Il y a une petite fleur sur la table
Et pour le calme un escargot vivant
Non je ne vais pas te manger
Cagouille n’aie crainte je viens de t’inventer
En train de dessiner ta phrase sur le bois
Ta ligne de bave ta brillante partition
Piano piano pour libérer ma tête.
Monter au grenier pour écouter la pluie
La chance que j’ai
Les ardoises grises et bleues de mon toit
La chance que j’ai
Mais être chaque goutte et toutes à la fois
La chance que je n’ai pas
Oh petit bol de joie…
Tu dois te remettre à l’heure heureuse
La tendresse ne s’achète pas comme un chien
Et l’obsolescence de l’amour n’est pas encore programmée
Ne peux vraiment tu pas
Au lieu d’aller pleurer dans les toilettes pour dames.
Le monde change tout le temps sans moi
Et je me rends inadaptable
N’ai pas de téléphone à table
Plutôt je ne me rends pas du tout
Je souris sans preuve sur selfie
Si nous cultivions l’amitié qui sait ce qu’on récolterait
Transistor perché tout en haut
En haut du réfrigérateur
Orateur porté par les ondes
Alors on danse en ma cuisine
En ma cuisine alors on chante
Et déchante aux nouvelles ignobles
Une mouche s’est posée sur l’antenne
Au bout de l’antenne s’éternise
S’éternise roturière marquise
À frotter ses deux grands beaux yeux
Elle n’entend rien au bruit des hommes
Mais sait qu’on va tous y passer
Elle ne bourdonne pas à toujours.